Copiste à l'honneur


Le Moyen Age m'a toujours fascinée et Le Nom de la Rose, le roman autant que le film, n'y est pas pour rien, sans parler du Mont Saint-Michel et de la visite du musée des manuscrits dont je garde toujours précieusement un dépliant fort bien fait.

La toute dernière visite à la librairie Le Divan, l'antre des lettres où je peux facilement me perdre en coupant volontairement tout fil d'Ariane, a été riche en trouvailles et parmi celles-ci,  Esquisse d'un Pendu, de Michel Jullien. Une petite note manuscrite d'un lecteur (un employé, probablement) a attiré mon attention grâce à quelques mots clés tels que Moyen Age, nous y revenons, copiste, calligraphie. 

La langue n'est pas des plus faciles et se mêle de façon surprenante à quelques remarques anachroniques égrenées avec discrétion ici et là pour tisser autant de comparaisons avec notre temps. A vrai dire, même sans ces phrases contemporaines au beau milieu d'une description d'époque, le parallèle est vite fait : vaste et lente tâche que celles des laborieux copistes d'un côté, rapidité et méga bits de l'autre avec, en guise de clé de voûte de la métamorphose radicale de notre relation aux lettres l'avènement, que l'on sent proche dans le livre, de l'imprimerie via Gutenberg. Nous sommes au 14e siècle et le codex sent sa fin approcher, tout comme ces corps de métiers qui lui sont liés. A terme, c'est l'accélération de la diffusion littéraire, entre autre, qui est annoncée.

Au milieu de l'atmosphère toute studieuse d'un atelier de copistes dirigé par l'original Raoulet d'Orléans, une intrigue se noue autour du plagiat de l'une des deux commandes royales en cours passées par Charles V, les Chroniques de France ; sujet encore une fois de grande actualité à l'époque du tout numérique et des supports dématérialisés et multipliables à l'envi ! Cette œuvre a pour mérite de plonger le personnage principal dans une réflexion sur son (notre) rapport à l'Histoire car elle relate la succession des règnes jusqu'à celui du souverain à la tête du pays au moment de la commande, Charles V. Jusqu'où ces chroniques sont-elles donc objectives et où commence la possible propagande ?

L'autre œuvre sur laquelle se penchent les copistes de Raoulet est intemporelle : une réflexion d'Aristote sur la politique. Elle présente donc un savoir sans frontières qui traverse les siècles sans dépeindre une réalité immédiate. Elle offre donc un autre point de vue sur l'Histoire et son analyse.

La fresque est minutieuse, telle une lettrine, savoureuse et enrichissante tant par ce qu'elle nous apprend du passé que par l'éclairage qu'elle apporte à notre ère virtuelle. 

Un petit bijou de mise en abîme à travers les âges qui met les copistes à l'honneur, avec en prime la visite des tripots parisiens, des venelles et ateliers en tout genre sous un angle plus que vivant et pittoresque et à l'ombre du gibet de Montfaucon dont la description occupe longuement les premières pages du livre ; et pour cause, lui aussi aura son rôle à jouer et sa présence embrasse les faits d'un bout à l'autre du livre.

J'avoue, la lecture s'est faite crayon en main et le nez dans le dictionnaire - un beau voyage terminologique en prime, que je suis loin d'avoir mené à bien tant les termes soulignés sont foison.

Allez, je replonge, à moi le dictionnaire !

Photo : Via
Lien utile : La République des Livres


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