Sous influence


Endiablée et orgiaque cette scène sur la terrasse romaine qui ouvre le bal de "La Grande Bellezza", juste après la mort fulgurante d'un pauvre touriste japonais sidéré par tant (trop ?) de beauté éclatante irradiant de la capitale italienne.

Les tableaux du film semblent décousus, mais en réalité, tout se tient et le fil de tant de superficialité, de mots vains et en vain, se tisse pour dépeindre une comédie humaine qui se contente de tant de splendeur du paraître si bien dépeinte sur les lèvres enflées par le botox ou des diktats de la mode, du show bizz et de la société du plaisir instantané et du narcissisme à outrance (Facebook, mon amour).

Le personnage principal, bel homme et pur produit de cette même vacuité, est pourtant lucide, peut-être grâce à son amour de jeunesse auquel il se rattache. Ses phrases longues et articulées sont néanmoins tranchantes et révélatrices ; elles en gênent plus d'un dans son milieu d'intellectuels aussi clinquants que paumés, mais il n'empêche qu'il évolue dans ce tourbillon endiablé et fastueux et il y évolue si bien qu'il s'y confond, en perd l'inspiration d'écrivain et n'est plus capable de trouver la source de la véritable beauté, celle cachée, profonde, insondable et essentielle. 

Dès la scène initiale sur la célèbre terrasse, Fellini pointe le bout de son nez. "La Cité des Femmes" ou "La Dolce Vita" m'apparaissent comme dans un flash, un instantané qui donne du même coup plusieurs clés de lecture dans cette quête de la vérité tandis que Paolo Sorrentino dévoile son influence et celle qui pèse sur cette faune romaine - qui est, elle, sous de multiples influences...

Trois grands interprètes se dégagent de cette fresque : la voluptueuse Sabrina Ferilli (botox je t'aime à la folie) qui semble avoir trouvé là un rôle on ne peut plus sur mesure, tant physiquement qu'intellectuellement ; de par ce qui lui reste d'ingénuité et de par sa maladie (nous n'en saurons pas plus), elle garde un regard et une fraîcheur plus spontanés qui semblent un moment guider le personnage principal vers la lumière. 

Le personnage principal, justement, notre Cicérone à nous sous le soleil exactement, c'est Toni Servillo. Le choix clé pour ce film, le dandy parfait, la cadence traînante et l'accent calqué qui à eux tous seuls nous guident dans ce labyrinthe de paillettes et de vies gâchées dont il est le pur produit, voire l'un des chefs de file. C'est une présence indispensable.

Le troisième personnage, c'est Rome. Sa beauté  hypnotisante et grisante, qui sait, malgré l'étalage apparent, se cacher et ne s'ouvrir qu'à ceux qui veulent bien y regarder de plus près, chercher les clés, les coins et les recoins. La ville éternelle fait vivre toute cette foule de débauchés en lente décomposition, mais semble aussi dire, à ceux qui savent écouter, qu'elle peut dire autre chose et jouer à un autre jeu. 

La visite guidée s'impose, sous influence ou pas, à vous de choisir.

(Petite mention pour la l'affiche ci-dessus, grandiose et éloquente.)


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