Le Blé en herbe : Colette, enfin ! {Page-Turner}


Le blé en herbe Colette

Colette et moi, c'est une histoire de grande inconnue et de peurs apprivoisées. Un saut dans mes souvenirs estudiantins ressemblant fort à un saut dans le vide qui met à mal convictions et confiance en soi. Retour sur images : oral ou écrit du bac, je ne sais plus et peu importe. Texte de Colette dont je n'avais jamais rien lu.

Panique, réflexion, collages mentaux de bribes d'informations lues, entendues, vues sur l'auteur. Mon radeau de sauvetage prend forme, péniblement car le brouillard voile la vue.
Lentement, je refais surface et me laisse, comme il se doit, transporter par le texte qui me guide : fie-toi aux mots, aux phrases et à ton ressenti.

Toute expérience laisse des traces. Colette, c'est ma trace de ce fameux bac ; par superstition sans doute, après cette épreuve, je n'ai plus voulu ne serait-ce qu'imaginer pouvoir prendre en main un livre de Colette. Difficile d'effacer ce goût d'épreuve...

Jusqu'à cet été : le rituel heureux de préparation du départ en vacances tant attendu inclut le choix méticuleux de livres à emporter et à effeuiller le dos chauffé par le soleil. Au hasard, sans trop réfléchir et afin de contenir mes anciennes peurs, j'ai choisi Colette, Le blé en herbe.

Et par un matin de radieuse solitude à la plage, j'ai regardé Colette dans les yeux. Les pages ont défilé jusqu'à ce que la plage se peuple de tant de personnages que j'ai ignorés. Jusqu'aux heures les plus enflammées quand, d'un seul souffle,  j'ai refermé le livre ainsi terminé.

Tant de délicatesse et de poésie dans ce récit initiatique guidé par la nature, ses rites de passage, sa timidité, son courage. Les mots sont précis, les descriptions visuelles appellent de tous leurs vœux la caméra. C'est le tumulte des sens et de l'esprit des deux personnages principaux, Philippe et Vinca, qui passent leurs vacances ensemble... Seulement cette année, la métamorphose de l'enfance à l'adolescence brouille l'eau de la baie, trouble les sentiments et aiguise les sens.

L'amour, est-ce cet éveil soudain, cette violente mise à nu, cette fébrile prise de risques en se faufilant, la nuit venue, à l'insu de tous, par la porte d'entrée sous le regard absent du chien de garde ? La fin de l'enfance, se traduit-elle inexorablement par une tempête de désirs contrastants et ambigus ?

La tristesse de voir le monde et les amitiés sacrées s'altérer ponctue les pages de ce livre : la métamorphose est inévitable, le temps fuit, l'enfance aussi. Le blé en herbe et ses fines tiges en devenir m'ont réconciliée avec Colette, un jour d'été.

"Derrière la fenêtre, les yeux de la Pervenche le suivaient, et les gouttes glissantes le long de la vitre semblaient ruisseler de ces yeux anxieux, d’un bleu qui ne dépendait ni de l’étain jaspé du ciel ni du plomb verdi de la mer."

Photo : TheDaydreamer



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